Un patrimoine varié

Une diversité étonnante

Fosse n°9/9 bis, cité Declercq et terril n°110 à Oignies, Société des Mines de Dourges ©Ph.Frutier-Atimage

Le Bassin minier est surprenant à plus d’un titre. La persistance dans le paysage des fosses, des chevalements, des terrils et des cités vient battre en brèche l’idée que ce patrimoine avait disparu en même temps que l’exploitation du charbon. Par ailleurs, l’étonnante diversité de son paysage balaye l’image d’Epinal de terrils noirs identiques au pied desquels s’étalent des barres uniformes de corons en brique ! La traversée du Bassin minier d’est en ouest propose en réalité des ambiances paysagères très différentes. De “la mine à la forêt” à “la mine à la campagne” en passant par les villes industrielles, l’empreinte minière a pris des formes différentes en fonction des spécificités naturelles, agricoles ou urbaines du territoire préexistant.

Au tournant du 19e siècle, les compagnies minières adoptent toujours la même structure d’exploitation, dite “fosse-terril-cité” : autour des carreaux de fosse (installations techniques en surface permettant l’extraction du charbon), étaient érigés des terrils pour stocker les roches stériles et des cités ouvrières pour loger la main d’oeuvre. Mais l’histoire minière s’étant étendue sur plusieurs siècles, les progrès techniques ont donné des formes différentes aux fosses, aux chevalements et aux terrils. Par ailleurs, le territoire étant partagé entre plusieurs compagnies privées, l’héritage minier offre une grande variété due à la concurrence à laquelle elles se livraient.

Eglise Notre-Dame des mineurs et cité de la Clochette à Douai et Waziers, Compagnie des Mines d’Aniche © 2012, Hubert Bouvet, Région Nord-Pas de Calais

A chacun son style !

Cité Taffin à Vieux-Condé

Durant 150 ans, les compagnies ont développé au sein de leurs concessions leurs propres identités architecturales et urbaines, contribuant à une richesse patrimoniale insoupçonnée. Afin d’afficher leurs opulences et se distinguer les unes des autres, elles ornent leurs chevalements de festons, de toitures et de plaques ornementales jusqu’à en faire de véritables cathédrales identitaires. Les bâtiments abritant le siège de l’entreprise doivent aussi en imposer. Considérée comme l’une des plus prospères avec celles d’Anzin et de Courrières, la Sociéte de Lens fait construire en 1928 ses Grands Bureaux dans un style Art déco avec jardin à la française.

Pour convaincre une main d’oeuvre plus difficile qu’on ne l’imagine, les compagnies rivalisent entre elles pour proposer aux mineurs les habitations les plus attrayantes et les meilleurs équipements collectifs. La Compagnie d’Aniche se distingue par l’ornement des façades et la décoration des pignons de ses cités. La Compagnie d’Anzin agrémente ses façades de briques vernissées de couleur quand celle de Lens préfère les maisons à faux colombages et pierre meulière. En 1904, la Société des Mines de Dourges, bientôt imitée par d’autres compagnies, importe d’Angleterre le concept des cités-jardins. Pour leurs équipements sociaux, elles n’hésitent pas à faire appel à des architectes de renom. La Compagnie des mines de Noeux sollicite par exemple l’architecte Constant Moyaux, Grand Prix de Rome, pour bâtir son église Sainte-Barbe. Des gestes architecturaux synonymes de publicité, mais aussi d’empreintes “digitales” pour des compagnies bien décidées à marquer leurs concessions.

Ce patrimoine social très varié porte aussi la mémoire des mineurs et de leurs familles. L’héritage d’une classe ouvrière dont l’identité s’est forgée dans les luttes syndicales, mais aussi grâce à une culture des loisirs bien spécifiques : pratique du sport (notamment le football), de la musique (au sein des harmonies), du jardinage, de la colombophilie… Une culture respectueuse des 29 nationalités recensées parmi les mineurs du Bassin minier, à l’origine, là encore, de son étonnante diversité.